En classe de seconde, notre prof de français avait pour habitude de nous lire à voix haute un texte de son choix, environ une fois par semaine. Je ne me souviens plus si cette lecture ouvrait ou clôturait le cours mais il est sûr que je l’attendais avec impatience. D’abord parce que le texte choisi était souvent captivant, ensuite parce qu’il offrait une accalmie au milieu de toute l’agitation lycéenne.
Emmitouflée été comme hiver dans un énorme châle aux couleurs chatoyantes, la petite femme s’appuyait sur le rebord du bureau et nous fixait jusqu’à obtenir le silence dans la salle. De la réussite de cette technique dépendait généralement le bon déroulement de la lecture. De ma place, je voyais sa frêle silhouette à contre-jour devant la grande baie vitrée du bâtiment contemporain qui nous abritait. Ce point de vue ajoutait beaucoup de mystère à ce rituel hebdomadaire.
Notre lectrice maîtrisait l’art de tenir son auditoire en haleine. Les réglettes les plus rebelles ne tombaient plus à terre et les stylos Bic addicts au clic trouvaient le repos lorsque sa voix posée se faisait entendre et que ses grands yeux se figeaient sur nous. Quand la tension devenait palpable dans la salle, elle baissait la voix ou interrompait sa lecture pour observer nos visages intrigués.
Elle s’était fixé un objectif supplémentaire à l’interminable programme du cours de français de classe de seconde : nous donner goût à la lecture et nous permettre enfin de rencontrer LE livre. Oui, LE livre ou comme il lui plaisait de dire « le livre qui va changer votre vie ». D’un air profondément inspiré, elle décrivait cette rencontre comme décisive pour le restant de notre existence. J’imaginais nos futurs inévitablement scindés en deux catégories : ceux qui aiment lire et ceux qui n’aiment pas lire.
Bien des années plus tard (plus précisément, il y a quelques jours à peine), quand j’ai aperçu au détour du rayon « Jeunesse » de la librairie un petit ouvrage intitulé Le livre qui fait aimer les livres, même à ceux qui n’aiment pas lire !, je n’ai décemment pu m’empêcher d’y jeter un coup d’œil.
Couverture turquoise – orange fluo, dessins d’enfants et jeu de mots (« A l’intérieur, le célèbre Marc Page »), Le livre qui fait aimer les livres attise ma curiosité et se présente d’emblée comme un bouquin sympa. La quatrième de couverture donne un parfait avant-goût de ce petit ouvrage insolite : « Une tonne de raisons vraies ou très très très délirantes de dévorer un max de livres pendant toute ta vie sans grossir ».
Le principe est simple : l’auteure Françoize Boucher propose un argument par page en faveur de la lecture mais pas n’importe comment. Sur un ton humoristique, elle tutoie son lecteur comme un vieux copain et illustre (au sens propre et figuré) chacun de ses arguments par des dessins aussi loufoques qu’inventifs. A mi-chemin entre le livre d’enfant et la bande dessinée, Le livre qui fait aimer les livres ne semble répondre à aucun code, si ce n’est celui de séduire son lecteur. Ses multiples clins d’œil bourrés d’humour (l’œuvre de « Marcelle Prout ») raviront aussi bien les grands que les jeunes lecteurs.
Si vous doutiez encore du fait que « certains livres peuvent [vous] réchauffer le cœur » ou développer votre imagination, il suffit de vous procurer d’urgence Le livre qui fait aimer les livres pour en être convaincu.
Le livre qui fait aimer les livres même à ceux qui n’aiment pas lire !, Françoize Boucher, 2011.
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